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05/12/2022

Auxilia et l’histoire du bénévolat en France

De tous temps, des hommes et des femmes se sont entraidés, ont mutualisé des moyens souvent autour d’organisations structurées. Longtemps, le volontariat a été la marque forte de ces engagements collectifs et associatifs. Apparu plus tard et subissant les évolutions de la vie associative et des règles qui la façonnent, le sens même donné au mot bénévolat a évolué, mettant aujourd’hui au premier plan la gratuité de l’action, la non-rémunération.

 

Aux origines étaient l’entraide volontaire

 

L’entraide associative est apparue dès l’Antiquité, comme en témoignent les associations ouvrières en Égypte, les « cités en miniature » du monde grec ou les collegia de la Rome antique. Mais le mot de « bénévole » - issu, selon l’Académie française du latin benevolus (bienveillant, volontaire, dévoué) – lui, ne perce qu’au Moyen-Âge. Et ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’il fait son entrée dans les dictionnaires, en élargissant peu à peu son sens initial de « volontaire, qui fait quelque chose sans y être tenu ».

 

Depuis, la dimension de gratuité cohabite avec celle de volontariat, si on se réfère à la définition que pose, dans un rapport rendu en juin 2022*, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) : « Le bénévolat est l’action de la personne qui s’engage librement, sur son temps personnel, pour mener une action non rémunérée en direction d’autrui, ou au bénéfice d’une cause ou d’un intérêt collectif ». Au point que, dans le langage courant, c’est pour exprimer cette gratuité que désormais le mot « bénévole » est utilisé, la volonté d’engagement semblant aller de soi.

 

Au fil de ses différentes acceptions, le bénévolat est resté lié à l’idée d’association et a donc fluctué au gré des conditions d’existence de ces dernières. En France, la liberté d’association a connu de nombreuses éclipses, entre la relative liberté d’action des solidarités paroissiales et des corporations du Moyen-Âge et les interdictions du XIXème siècle, en passant par l’effervescence du siècle des Lumières.

 

De ces fluctuations sont nés trois types d’action désintéressée en faveur d’autrui ou d’une cause. En premier lieu, les actions de charité, le plus souvent en faveur des pauvres et des malades, sont reliées à l’injonction chrétienne de « s’aimer les uns les autres ». Puis la philanthropie se déploie au XVIIème siècle dans le droit fil de la doctrine humaniste de la Renaissance, motivée par un principe de fraternité. Enfin, les notions d’entraide et de solidarité – le premier exemple avéré en France d’organisation d’entraide structurée entre des agriculteurs date du XVIIe siècle – interviennent entre pairs, avec donc une égalité de condition entre « aidants » et « aidés ».

 

Perçues comme un contre-pouvoir potentiel, les structures associatives suscitent alors la méfiance du politique. En vertu de la loi Le Chapelier (1791) et de l’article 291 du Code pénal napoléonien (1810) il est ainsi interdit de se réunir, y compris pour venir en aide aux plus démunis.

 

1884 – 1948 : des associations de volontaires aux associations de bénévoles

 

La Troisième République, qui consacre la séparation de l’Église et de l’État, institue peu après la liberté de s’associer. Ce nouveau cadre favorise la coopération et le partenariat entre les pouvoirs publics et les associations de « volontaires » qui répondent aux besoins non couverts par l’État.

 

C’est dans ce contexte qu’Auxilia dépose officiellement ses premiers statuts, en 1929, avec le soutien des « Équipes sociales » autour de Robert Garric, officialisant une action engagée trois ans plus tôt par Marguerite Rivard. Ancienne pensionnaire du sanatorium pour tuberculeux de Berck (Pas-de-Calais), atteinte elle-même d’une tuberculose osseuse qui la paralysera, dès 1926 elle mobilise quelque 70 professeurs, tous bénévoles, qui dispensent des cours par correspondance à 300 apprenants souffrant d’isolement au sein des maisons de santé pour tuberculeux. Devenue « association loi 1901 », Auxilia étend alors son action à tous les sanatoriums de France.

 

En 1930, Marguerite Rivard ouvre un foyer d’accueil pour les femmes invalidées, comme elle, par les séquelles de la tuberculose. Peu après la création de la Sécurité sociale (1945), alors que Marguerite Rivard est décédée deux ans plus tôt à l‘âge de 43 ans, son action se poursuit et s’amplifie : Auxilia ouvre le tout premier Centre de réadaptation professionnelle (CRP) soutenu financièrement par l’Etat pour initier des actions de reconversion professionnelle des personnes reconnues handicapées.

 

1948 – 1973 : les actions bénévoles pallient les insuffisances de l’État-providence

 

Après la Deuxième Guerre mondiale, la période de reconstruction de l’économie française s’accompagne d’une élévation significative du niveau de vie de la société qui laisse toutefois au bord du chemin les personnes vulnérables (personnes âgées, travailleurs immigrés, personnes en situation de handicap).

 

Reconnue d’utilité publique en 1953, Auxilia poursuit son aide aux exclus de la croissance économique en approfondissant dans un premier temps sa mission d’éducation en faveur des personnes isolées en sanatorium. En 1957, elle crée un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) où elle accueille des femmes isolées en situation précaire.

 

Si très vite l’association professionnalise ses équipes au CRP comme au CHRS, grâce à des financements d’Etat, son activité historique d’Enseignement à distance (EAD) repose toujours sur des centaines de bénévoles. Alors que les avancées de la médecine vident peu à peu les sanatoriums, leur enseignement par correspondance s’ouvre à l’univers pénitentiaire dans le contexte de la guerre d’Algérie : depuis 1959, leur bénévolat permet de proposer un enseignement gratuit et individuel à des personnes en détention.

 

À l’image des associations caritatives écloses dans l’immédiat Après-Guerre (dont le Secours populaire et le Secours catholique), bénévoles et salariés cohabitent au sein d’Auxilia afin de répondre à des besoins auxquels la puissance publique ne répond pas.

 

1973-1998 : face à la crise économique, le bénévolat médiatisé et valorisé

 

Le premier choc pétrolier ne fait qu’accentuer les carences de l’État-providence face à l’augmentation de la pauvreté et des inégalités. En parallèle à la montée du chômage et des nouvelles précarités, l’engagement citoyen sans but lucratif se trouve valorisé médiatiquement, à travers l’implication bénévole de célébrités (humoristes, artistes, sportifs…). Des événements d’envergure nationale tels que le Sidaction, le Téléthon ou le concert des Enfoirés donnent au bénévolat une force d’attraction nouvelle.

 

De nos jours, le bénévolat est une réponse à la crise du sens et à la fragilisation du lien social

 

Au-delà de la définition qu’il en donne, le CESE souligne que, aujourd’hui en France, « le bénévolat continue de se développer dans un contexte de crise des valeurs et du sens (…) Être utile et se sentir utile, ne pas tout attendre des pouvoirs publics sont les principales raisons de cet engagement gratuit, cet élan joyeux au service de tous et toutes. » Complémentaire des dispositifs de protection sociale, « le bénévolat peut donc être une réponse efficace à la fragilisation actuelle du lien social » souligne encore le CESE qui met toutefois en garde : « Il ne peut servir de prétexte au désengagement de l’État et plus largement de l’ensemble des pouvoirs publics ».

 

L’effectif bénévole en France est estimé à 22 millions de personnes, soit un peu plus de 43 % de la population adulte du pays. Le plus gros contingent s’investit dans le domaine social, caritatif et humanitaire, devant le sport. Un engagement qui, en moyenne, représente pour chaque bénévole entre 100 et 110 heures annuelles. Mais avec d’énormes disparités puisque « un quart des bénévoles est à l’origine de près des trois quarts du temps donné, souligne le CESE. La tranche d’âge des 55-74 ans se distingue par des durées annuelles moyennes de bénévolat nettement plus importante que les autres. Ce qui est compréhensible car une grande partie d’entre eux n’ont plus d’activité professionnelle et l’activité bénévole peut alors agir comme un moyen de pallier la perte d’une partie de la vie sociale liée à la sphère travail. »

 

Depuis la fin des années quatre-vingt, la durée d’engagement au sein des associations tend à diminuer. Les bénévoles de moins de 35 ans s’attachent davantage à une cause qu’à une organisation bénévole, les observateurs parlent de « zapping » ou de nomadisme associatif. Nombreux sont les bénévoles qui ne veulent pas s’engager dans la durée en raison de leurs contraintes familiales ou professionnelles. D’autres escomptent des résultats tangibles et immédiats de leur travail bénévole. A noter toutefois que, relève encore le CESE, « chez les moins de 30 ans, l’engagement bénévole a fortement progressé pour passer de 38 % en 2016 à 48 % (presque 1 jeune sur 2) en 2021 ».

 

Le bénévolat au sein d’Auxilia : les bénéficiaires avant tout

 

Centrée sur les hommes et les femmes qu’elle accompagne, l’action bénévole au sein d’Auxilia est restée fidèle à ses valeurs tout au long des décennies et réaffirmées dans le Projet associatif 2021-2025 : un altruisme bienveillant, le respect de chaque personne quel que soit son parcours, un soutien confiant pour restaurer l’estime de soi.

 

Dans ce contexte, Auxilia (EAD) se distingue par au moins deux aspects. D’une part, aider une personne détenue à (re)trouver sa place dans la société prend du temps. Bien que les bénévoles témoignent régulièrement de la profonde satisfaction de voir un apprenant progresser, les résultats positifs, jamais garantis, demandent patience et persévérance. Le terme « engagement » prend ici tout son sens.

 

D’autre part, tout en s’inscrivant dans une démarche structurée qui lui permet de bénéficier de l’encadrement et du soutien nécessaire à son action, le bénévole garde une certaine autonomie dans son organisation. Et il peut, au fil du temps et de l’expérience acquise, s’investir dans différentes fonctions, comme animer un groupe de pairs ou aller rencontrer en détention des apprenants pour les accompagner dans leur parcours de formation.

 

Concrètement, quelque 800 bénévoles assurent chaque année 40 000 heures d'accompagnement avec un budget d’environ 400 000 €. Il faudrait 1 600 000 € pour rémunérer un travail équivalent. En d’autres termes, l’implication des bénévoles démultiplie l’impact des moyens mis à disposition de l’association notamment les dons venus d’adhérents, de sympathisants, d’entreprises (par la taxe d’apprentissage) ou par un mécénat financier.

 

Vous pouvez encourager nos actions en vous rendant sur cette page : Soutenir notre association

 

 

Lien pour le rapport du CESE « Engagement bénévole, cohésion sociale et citoyenneté - Juin 2022.

285548.pdf (vie-publique.fr)

 

Sources :

 

Entraide et mutualisme dans les associations des cités grecques à l’époque hellénistique, Marie-Françoise Baslez, Presses universitaires de Rennes, 2006

 

Bénévolat et management. Pratiques, paradoxes, préconisations. Dirigé par Anne Bartel-Radic, EMS Editions 2021

 

Le bénévolat en France et en Europe, Édith Archambault Dans Pensée plurielle 2005/1 (no 9)

 

Le bénévolat, du militantisme au volontariat - Danièle Demoustier Dans Revue française des affaires sociales 2002/4

 

L’évolution de l’engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2019. Etude France Bénévolat / IFOP Mars 2019

 

Engagement bénévole, cohésion sociale et citoyenneté, Conseil Économique Social et Environnemental : Juin 2022

 

Le bénévolat dans le secteur associatif, session ordinaire de 2005-2006, Sénat.fr

 

Histoire du travail social en France. De la fin du XIXème siècle à nos jours. Henri Pascal, Presses de l'Ecole des hautes études en santé publique, 2014

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